Fiche pays – Arménie

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Implantée au cœur du Caucase, l’Arménie, à l’instar de ses voisins, se positionne à la jonction stratégique entre l’Europe de l’Est et l’Asie de l’Ouest. Elle partage ses frontières avec la Turquie à l’ouest, la Géorgie au nord, l’Azerbaïdjan à l’est, et l’Iran au sud, occupant ainsi une place centrale dans les équilibres géopolitiques régionaux. Le relief de l’Arménie est principalement caractérisé par son aspect montagneux, avec le mont Ararat comme symbole prééminent de l’identité nationale, bien que situé en Turquie.

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Historiquement, l’Arménie se distingue par sa longue trajectoire étatique, initiée dès l’Antiquité. Son adoption pionnière du christianisme en tant que religion d’État au début du IVe siècle établit une composante fondamentale de son identité culturelle et spirituelle. Cette continuité historique a été préservée malgré les dominations étrangères successives, permettant le maintien de la langue arménienne, de son alphabet unique et de ses traditions ancestrales. Erevan, la capitale, se révèle comme un témoignage vivant de cette richesse historique, étant l’une des villes les plus anciennes du monde encore habitée (depuis le VIIIe siècle avant notre ère). En dépit des turbulences historiques, l’Arménie contemporaine incarne la persistance d’une nation en quête d’autodétermination, témoignant de sa capacité à naviguer dans le contexte géopolitique complexe de sa région.

Contexte historique

L’Arménie, connue comme l’une des plus anciennes civilisations, a joué un rôle crucial dans l’histoire de la région dès l’Antiquité. Elle est célèbre pour avoir été le premier royaume au monde à adopter officiellement le christianisme en 301, sous le roi Tiridate IV, influencé par Saint Grégoire l’Illuminateur. Cette conversion a ancré le christianisme au cœur de l’identité arménienne, influençant exhaustivement son patrimoine culturel. Durant l’Antiquité et le Moyen Âge, l’Arménie se trouve souvent au centre des luttes de pouvoir entre grandes empires tels que les Romains, les Perses, les Byzantins et plus tard les Arabes et les Mongols. Malgré ces pressions externes, elle parvient à préserver sa langue, sa culture et sa foi, tout en contribuant significativement à l’art, à la littérature et à l’architecture chrétiens.

Les siècles suivants voient l’Arménie faire face à la domination ottomane et l’influence russe. Le XXe siècle est particulièrement sombre avec le génocide arménien de 1915 perpétré par l’Empire ottoman, entraînant la mort et la déportation de millions d’Arméniens. Après une éphémère indépendance de 1918 à 1920, l’Arménie est absorbée par l’Union soviétique, devenant l’une de ses républiques constituantes.

Avec la dislocation de l’URSS en 1991, l’Arménie regagne son indépendance, ouvrant un nouveau chapitre de son Histoire. Elle est rapidement engagée dans le conflit du Haut-Karabagh contre l’Azerbaïdjan, une région historiquement peuplée d’Arméniens mais située dans les frontières internationalement reconnues de l’Azerbaïdjan.

Système politique

L’Arménie est une république parlementaire depuis l’adoption de la réforme constitutionnelle de 2015, caractérisée par une séparation des pouvoirs où le Premier ministre détient l’essentiel de l’autorité exécutive. Nikol Pashinyan, l’actuel Premier ministre, symbolise cette transition vers une gouvernance plus transparente, axée sur la lutte contre la corruption et l’impulsion de réformes démocratiques.

La politique arménienne est marquée par un engagement prédominant envers le renforcement démocratique, bien que freinée par la corruption, des réformes inégales et des tensions géopolitiques, notamment avec l’Azerbaïdjan.

L’administration Pashinyan est confrontée au défi de concilier les aspirations démocratiques de la population avec les réalités géopolitiques complexes de la région. Malgré tout, la résilience du système politique arménien est palpable, témoignant de la dynamique en cours vers une gouvernance plus ouverte et responsable.

Économie

L’économie arménienne s’articule autour de plusieurs domaines : l’agriculture, le secteur minier, les technologies de l’information (TI) et le tourisme. Chacun de ces secteurs joue un rôle dans la stratégie de diversification économique visant à réduire la dépendance aux importations et à accroître l’autosuffisance. L’agriculture, traditionnellement dominante, nécessite des réformes pour améliorer sa productivité. Le secteur minier, riche en cuivre, en or et en molybdène, représente une importante source de revenus, mais pose un problème en termes de durabilité. La TI émerge comme un domaine en rapide expansion, soutenu par des politiques visant à faire de l’Arménie un centre régional d’innovation. Enfin, le tourisme, exploitant le riche héritage culturel arménien, est tout naturellement un levier de croissance économique.

L’Arménie entretient des relations économiques et commerciales diversifiées, étant membre de l’Union économique eurasienne (UEE) et partenaire de l’Union européenne (UE). Son adhésion à l’UEE facilite les échanges avec les pays membres, tandis que les liens avec l’UE visent à diversifier ses partenariats économiques. La coopération avec des nations voisines comme l’Iran s’inscrit dans une volonté d’élargir les horizons commerciaux et de minimiser la dépendance économique.

Géopolitique et Sécurité

L’Arménie évolue dans un environnement géopolitique épineux, marqué par des alliances stratégiques, des conflits territoriaux et des relations diplomatiques tendues.

Sa longue alliance avec la Russie, fondée sur des accords de défense et une interdépendance économique via l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), est soumise à des tensions en raison de l’inaction russe face à l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabagh en septembre 2023. Cette situation a incité l’Arménie à envisager d’autres alliances internationales (notamment avec L’UE) pour garantir sa sécurité et défendre ses intérêts régionaux.

Le conflit prolongé avec l’Azerbaïdjan pour le contrôle du Haut-Karabagh a culminé avec l’offensive de l’Azerbaïdjan en septembre 2023, résultant en la prise de contrôle de la région et la dissolution de la République séparatiste d’Artsakh (le Haut-Karabagh) a daté du 1er janvier 2024.

Les relations avec la Turquie demeurent difficultueuses, principalement dues à la non-reconnaissance du génocide arménien par la Turquie et son soutien à l’Azerbaïdjan. Les ambitions de l’Azerbaïdjan de désenclaver la province du Nakhitchevan, soutenues implicitement par la Turquie, exacerbent ces tensions et présentent des difficultés supplémentaires pour la diplomatie arménienne.

Culture et Société

L’Arménie, riche de son histoire millénaire, est marquée par un patrimoine culturel profondément ancré dans les traditions européennes, moyen-orientales et caucasiennes. Son architecture, qui mêle églises antiques et constructions modernes, et son art, de la tapisserie aux miniatures, illustrent la diversité de son héritage. La langue arménienne, avec son alphabet, est au cœur de l’identité nationale, préservant l’héritage littéraire et oral du pays. Les traditions, fortement influencées par le christianisme ancien, jouent un rôle central dans la vie sociale, affirmant de la continuité culturelle.

Face à un environnement économique en transition, l’Arménie fait face à des défis sociaux comme le chômage et l’émigration, impactant surtout les jeunes. Malgré cela, l’Arménie maintient un taux d’alphabétisation élevé (99,70% (2019)).

Enjeux Actuels et Perspectives

L’Arménie, évoluant dans un contexte géopolitique complexe et chargé d’histoire, fait face à des enjeux majeurs qui dessinent ses perspectives. Ces défis sont amplifiés par les tensions régionales, notamment les relations tendues avec ses voisins. L’avenir de l’Arménie semble donc suspendu à une série de changements majeurs, tant sur le plan intérieur qu’extérieur.

La réélection de Ilham Aliyev en Azerbaïdjan est d’ordre centrale et pourrait avoir un impact profond sur la diplomatie arméno-azerbaïdjanaise, notamment en ce qui concerne la question sensible du corridor de Meghri. Ce couloir est une bande de territoire située dans le sud de l’Arménie, qui pourrait potentiellement relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan, et par extension, à la Turquie. La mise en place de ce corridor a été discutée comme partie d’accords de paix, mais suscite de vives inquiétudes en Arménie quant à la souveraineté et la sécurité nationales.

Par conséquent, l’avenir de l’Arménie est intrinsèquement lié à sa capacité à manœuvrer dans un environnement régional complexe, tout en poursuivant son développement intérieur. Les prochaines années seront déterminantes pour l’Arménie, qui devra faire preuve de résilience et de diplomatie pour assurer sa sécurité, stimuler son économie et consolider sa démocratie.

Matthieu Hebrard, chargé de veille stratégique Caucase

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